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Chapitre 1

            Le vent frais et salin lui frappe le visage et emplit ses poumons. Le soleil lui réchauffe la nuque. Thomas sourit, la bouche grande ouverte. Il veut rivaliser avec son ombre. Il pédale de plus belle pour tenter de la dépasser mais celle-ci garde le dessus. Pourquoi n’y arriverait-il pas ? Lucky Luke, le héros d’une bande dessinée de ses parents, arrive bien à tirer plus vite que la sienne.

— À toi de jouer.

Un groupe de mouettes virevolte à quelques mètres de lui comme si elles l’avaient reconnu. Comme si elles l’accompagnaient, contentes de le revoir. 

— Thomas !

— Hein ?

Thomas revient à la réalité. Il tient des cartes de Uno, la salle de classe diffuse une odeur de bois et de vieux papiers. Ses trois camarades de table le regardent avec les sourcils froncés.

— C’est à toi de jouer, tu planes ou quoi ?

— Ah. J’ai rien, dit-il sans détailler son jeu.

— Bah, pioche !

Thomas s’exécute. Cette partie, probablement la dernière de l’année, il s’en moque. Son corps est bien là, dans la classe de CM2 de madame Allart. Mais son esprit se trouve bien plus loin, échappé par la fenêtre restée ouverte. Il est à la mer. Il ne connaît pas la distance qui l’en sépare, mais il a le temps de regarder Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban en entier pendant le trajet. C’est ce qu’il a fait l’année précédente sur la tablette de sa mère.

Le lendemain à la même heure, il sera certainement arrivé chez ses grands-parents à Criel-sur-Mer, dans sa maison de vacances pour tout le mois de juillet. Cette année plus que les autres, il veut en profiter un maximum. Car à la prochaine rentrée, un nouveau monde va s’ouvrir à lui, celui des grands. Le collège. C’est une sensation bizarre pour lui, il se sent à la fois pressé et intimidé. 

La maîtresse vient de se lever de son bureau et se dirige lentement vers la porte. Le bruit dans la classe est incessant, mais ça ne perturbe pas Thomas. Il est quasiment prêt. Il rassemble ses cartes qui ont été jetées à la hâte sur la table. Il n’entend qu’une chose, le tic-tac de la trotteuse de l’horloge. Dans moins de vingt secondes, l’école sera terminée. Il va pouvoir retrouver ses amis de vacances.

Madame Allart ouvre la porte. Elle a tout juste le temps de se pousser pour éviter de se faire piétiner par la horde de vacanciers. Thomas jette un œil vers Maxime, l’air inquiet. Que lui réserve-t-il encore ? Celui-ci se dirige vers lui, attrape son jeu de cartes et le jette au sol en lui criant « À plus, gros tas ». 

Thomas s’agenouille. Son visage est rouge de colère. Maxime l’a embêté et s’est moqué de son embonpoint pratiquement toute l’année. Il était temps que ça s’arrête. Avec un peu de chance, il le laisserait tranquille au collège. Il ne reste plus que lui et la maîtresse dans la classe. Elle s’approche de lui.

— Qu’est-ce que t’as encore fait ?

— Mais rien, c’est…

— C’est quoi ?

— Rien madame. Bonnes vacances, répond-il en glissant les cartes dans la poche de son jean. 

— Bonnes vacances Thomas.