LE MYSTÈRE DE LANA
aventure jeunesse

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Chapitre 1

 

            Ils jettent leurs vélos sur le talus qui borde le chantier naval. Le soleil délivre toute sa puissance tandis que la mer part à la conquête de l’horizon. Le spectacle qui s’offre alors aux deux adolescents en devient magnifique et lugubre à la fois, de quoi vous filer des frissons. Nathan ne sait plus où poser le regard, depuis le temps qu’il se renseigne sur l’endroit et qu’il veut s’y rendre. Quelques semaines se sont avérées nécessaires pour convaincre Julien, son meilleur ami, de l’accompagner dans cette escapade. L’annonce d’un gros goûter dès leur arrivée a fait pencher la balance lors d’une ultime tentative. Comment ne pas y avoir pensé avant ? 

Quelques visiteurs pataugent déjà dans la vase, appareil photo ou téléphone à la main, à la recherche du cliché parfait. Devant les deux camarades, des dizaines d’épaves de bateaux occupent l’espace et se font concurrence, à celui qui résistera le plus aux assauts du temps et de l’eau salée. La plupart de bois, certaines forment d’immenses squelettes détrempés. D’autres montrent encore de jolies coques magnifiées par des fresques. Bon nombre d’artistes en tout genre sont venus y déposer leurs signatures picturales. Mais, malgré la particularité des lieux, Julien traîne des pieds, les mains dans les poches. Il regarde autour de lui avec la nonchalance d’un chat.

— Pas vraiment de quoi s’extasier non plus. Tu m’avais vendu un truc incontournable, quelque chose que tout Malouin se devait de connaître. 

— Attends, mais tu te rends pas compte ! Il y en a qui ont des dizaines d’années, j’suis sûr.

— Ouais, ça se voit bien, répond Julien en tapant un caillou du pied.

De toute évidence, les deux jeunes hommes ne partagent pas les mêmes goûts pour tout. Ça se limite aux jeux vidéo, au foot ainsi qu’aux filles. C’est déjà pas mal. Le regard de Julien se dirige vers le sac à dos de son camarade. 

— OK, je vois. On fait la pause goûter tout de suite, je suppose ?

— Là, ça commence à me plaire.

— On va s’installer un peu plus loin. Mais après, on fait le tour de toutes les épaves.

— T’es pas sérieux ? C’est des bateaux tout pourris. On ferait mieux de retourner en ville, au stade ou à la plage Solidor. En plus, Alexia y passe l’aprèm’ avec sa sœur.

— Oh allez, fais-moi plaisir, c’est quelques heures sur une année. Qu’est-ce que ça te coûte ? Et depuis le temps que tu tournes autour d’elle, tu devrais plus être à une journée !

— C’est pas cool ça. Allez, fais péter les cookies.

 

Rassasié et revigoré, Julien se lève en sautant. Il a déjà oublié la demi-heure de vélo qui les sépare de Saint-Malo, leur ville natale. Même si Alexia obnubile encore ses pensées, il a à cœur de faire plaisir à      Nathan. En temps normal, c’est l’inverse. Les deux adolescents se connaissent depuis leur entrée au collège Jean Charcot, deux ans en arrière. Une amitié aussi forte que récente, quasi fraternelle, les lie désormais. Aucun événement particulier n’a causé ce rapprochement, juste un jeu de hasard. Un retard de quelques minutes pour la répartition des classes. Un lacet dénoué qui l’a fait pénétrer en dernier dans la salle de cours. Et pour ne pas se faire remarquer davantage auprès des autres, Julien s’est jeté sur la première place disponible. « Salut, moi c’est Nathan. » C’était parti.

— Allons visiter tes carcasses, avant que la marée remonte. Ce serait con de se retrouver trempés, déjà que marcher dans la vase c’est pas top pour les pompes.

— Je t’avais dit de pas mettre tes baskets neuves.

 

Julien saute bras tendus pour attraper un mât brisé dont le bout est planté dans la vase. Il enroule ses jambes au-dessus du morceau de bois, en position du cochon pendu, puis se balance mollement.

— Tu crois que je peux grimper comme ça jusqu’en haut ?

— Arrête tes conneries, tu vas te fracasser le dos si tu tombes.

— T’inquiète.

Nathan, ignorant son ami, continue sa visite des lieux, les yeux emplis d’émerveillement. L’air iodé le grise. Il ôte sa casquette trempée de sueur et la fourre dans son sac à dos. Il fixe son regard sur une embarcation sur laquelle est représenté un personnage arborant un trident. Il semble en mouvement, comme s’il venait de défoncer la coque pour s’extraire des entrailles du bateau. Nathan sort son téléphone, enclenche le mode selfie et se place face à l’œuvre. Au moment de capturer l’instant, son œil est attiré par l’espace vide que forment deux autres épaves devant lui.

La plage se referme sur une bande rocheuse que seules les vagues osent affronter lors des marées hautes. Au-delà, bien plus loin, on peut distinguer un autre navire. Il suffit de porter l’attention ailleurs, et ça n’a pas échappé à Nathan qui abandonne immédiatement l’idée de se prendre en photo. Une mission nouvelle s’offre à lui. Il se met en marche.

— Ju, rapplique !

Julien se laisse tomber lourdement sur le sol et court rejoindre son camarade sans réfléchir davantage. Il commence à se poser des questions en arrivant au pied des rochers. De près, ils semblent menaçants, en raison de leur surface glissante et de leurs arêtes tranchantes comme des scalpels. 

— N’y pense même pas !

— Allez viens avec moi, y a un super truc derrière.

Nathan attaque son ascension. Julien se retourne, les mains sur les hanches.

— Bon, bah, je suis pas près de voir Alexia aujourd’hui, moi.

 

Majestueux est le premier mot qui percute la boîte crânienne de Nathan lorsqu’ils atteignent leur objectif. Julien, de son côté, n’a toujours pas changé d’avis sur la situation. Bien au contraire, il lui tarde d’enfourcher son vélo pour rentrer à Saint-Malo. 

Contrairement aux autres épaves du cimetière de bateaux, celle-ci se tient droite, bien ancrée dans la vase. Elle garde toute sa prestance malgré l’état d’usure plus qu’avancé qui l’habille, si enfoncée qu’une simple acrobatie suffit pour accéder au pont. Un seul mât sur les quatre paraît encore complet. Sur la proue, on parvient, avec un peu d’imagination, à distinguer la statue d’une femme aux allures de guerrière, sculptée à même le bois. Nathan passe la main sur l’édifice flottant en expulsant un « waouh ! » tout droit sorti du cœur. Un frisson l’assaille.

— C’est incroyable.

— Mouais, un bateau quoi.

— Tu veux rire ? C’est un bateau de pirates, c’est obligé ! Combien d’années peut-il avoir ? Combien de siècles, plutôt ?

— Écoute Tabarly, ça te dit pas qu’on retourne à la plage pour raconter tout ça aux autres, hein ?

— Après. Promis.

Nathan ôte son sac à dos et le lâche au sol. En se servant des trous dans le haut de la coque, il entreprend de grimper. Il se retrouve sur le pont en moins de temps qu’il n’en faut à Julien pour lui demander d’arrêter ses conneries.

— Descends, il a l’air plus pourri que les autres.

— Mais non, répondit Nathan en tapant du pied. T’as oublié que tu faisais le singe sur un mât il y a moins de vingt minutes de ça ?

— C’est pas pareil, là c’est toi.

— Viens, moussaillon !

Nathan se met à courir vers la poupe. Il saisit la base d’un des mâts et en fait le tour à toute allure, puis se remet à courir. Il enchaîne sur un saut de biche tout en hurlant « à l’attaque ! » Quelques mouettes l’accompagnent en tournoyant plusieurs mètres plus haut. Un craquement spongieux se fait alors entendre et le cri de guerre se transforme en son de panique. Julien voit son camarade se volatiliser en une fraction de seconde. Un bruit sourd s’ensuit. 

— Nathaaan !

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